Enfin, quand tu es mort, ils réalisent que tu as vécu…Que tu as aimé, souffert, inventé, hésité, cru, erré, que tu as eu raison et que tu t’es trompé. Que tu as eu un corps que certains ont désiré, ont voulu…Que tu as écrit des lettres d’amour. Qu’il t’est arrivé des choses qui « n’arrivent qu’aux autres ». Ils n’auraient pas cru ça de toi ! Que tu as écrit des poèmes à l’encre mauve dans un cahier d’écolier. Tu étais là parmi eux, comme une évidence…une évidence sans histoire, sans passé, sans gloire, sans drame. Enfin, quand tu es mort, ils réalisent que tu as été un homme bien, une femme bien…Que tu as fait le mal aussi, que tu as trahi, que tu as été lâche, que tu as été héroïque, alors que tu t’asseyais invisible à la table du dîner. Ils découvrent que tu as fumé des pétards en douce, que tu t’es masturbé sans doute, que tu as failli tout plaquer pour suivre un inconnu rencontré le soir dans un train de banlieue. Que tu avais des secrets. Que tu as avorté. Que tu as violé.
Tu as vécu et ils te regardaient à peine, ne te prêtaient rien. Tu es mort et ils te voient enfin sur les vieilles photos…
